"Le recensement ne vous dit pas ce que vous avez envie d’entendre, mais ce qu’il y a".

Ce jeudi après-midi 3 septembre, Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au Plan, responsable unique et direct du recensement, a reçu la presse. Il n'a pas dit ce que le recensement a trouvé mais plutôt comment il s’est déroulé. La collecte des données a pris fin le lundi 30 septembre 2024. Il faudra malgré tout, et malgré la numérisation en temps réel, un peu de temps pour traiter et vérifier les premiers chiffres.

Avec son langage imagé enrichi par les métaphores, Lahlimi n’a pas lésiné sur les petites anecdotes. Il a tiré les conclusions, enseignements, donné les principaux chiffres de cet événement historique qui se renouvelle tous les dix ans.

"Extrapolez si vous voulez, mais l’essentiel n’est pas là"

Et d’abord, la seule donnée quantitative liée directement aux résultats:

-"à la fin du recensement, 3.443 personnes avaient refusé de répondre, soit 0,04% du total" (Lahlimi).

Question de Médias24: 3.443 ménages ou individus? Car on va pouvoir extrapoler.

Lahlimi: extrapolez si vous voulez, l’essentiel n’est pas là.

En fait, il s’agit de ménages et l’extrapolation ne mène à rien. Par simple règle de trois, on obtient un peu plus de 8 millions de ménages contre 7,3 millions en 2014. Mais si vous ne connaissez pas la taille moyenne des ménages, vous ne savez rien.

Quoi qu’il en soit, et pour la petite histoire, nous avons appris que sur ces 3.443 ménages qui ont refusé de répondre, il y avait 4 avocats, ainsi que 300 familles étrangères. Désormais, on sait aussi que tout ce qui relève d’un bâtiment diplomatique ou d’un personnel diplomatique étranger ne doit pas être recensé.

Le nerf de la guerre

Le recensement aura coûté au total près de 1,5 milliard de DH étalés sur 4 exercices budgétaires de 2022 à 2025, car la préparation a commencé il y a trois ans. L'achat des tablettes est imputé sur l’Education nationale car Lahlimi, après les avoir utilisées pendant deux mois, les a remises dans le conditionnement d’origine (les données étant effacées), et transmises au ministère de Benmoussa. Elles auront coûté 140 millions de DH pour 55.000 tablettes. 92 d’entre elles ont été cassées, précise-t-il. 22 volées ou perdues mais les services de sécurité en ont retrouvé 14.

Dès la fin de la collecte des données du recensement, Lahlimi a saisi l’inspection générale des finances l'IGF pour auditer tous les comptes du RGPH. En plus des tablettes, l’informatique n’a coûté que 35 MDH car une partie majeure des softs a été développée en interne. La Com’ n’a coûté que 15 MDH soit 1% du total contre 7% aux USA, mais faut-il s’en féliciter?

Ajoutons 803 MDH pour les ressources humaines, 283 MDH pour la cartographie et la géolocalisation (un acquis précieux) ainsi que 193 MDH de dépenses diverses telles que la logistique.

Le recensement de 2014 avait coûté 1 milliard de DH. Lahlimi qui connaît bien ses chiffres, ne peut s’empêcher de convertir ce milliard au cours du jour, inflation comprise: cela correspond à 1,225 milliard de Dirhams d'aujourd'hui.

Ajoutons à cela le saut technologique effectué (géolocalisation), l’achat des tablettes et le tour est joué. Lahlimi précise que le fait d'avoir limité le questionnaire long à 30% de l'ensemble (il y avait aussi un questionnaire court, administré à tous les recensés) a fait économiser 453 MDH, car cela aurait nécessité 97.000 agents au lieu de 55.000.

Des morsures de chiens ou les risques du métier

Recenseur n’est pas un job de tout repos. 149 accidents corporels ont été recensés dont 23 morsures de chiens, 42 accidents corporels, 25 accidents de la voie publique et… 11 agressions physiques. A cela s’ajoutent 9 intoxications alimentaires ainsi que 7 malaises dus au soleil.

Une mort naturelle est également comptabilisée.

Le rayon des anecdotes est pour sa part bien garni, sans entrer dans les détails.

On apprend aussi qu'au bout de 15 à 20 jours, 90% du recensement était déjà bouclé, les opérations se déroulant de manière fluide. Il impute la forte adhésion de la population essentiellement au contenu de la lettre royale du 20 juin 2024, suite à laquelle tous les services de l'Etat ont été mobilisés.

Il rend un vibrant hommage au Roi Mohammed VI "qui a suivi personnellement et de près toutes les opérations du recensement", ainsi qu'au ministère de l'Intérieur, aux forces de sécurité et aux ressources humaines du HCP.

Pour Lahlimi, cette rencontre avec la presse, au cours de laquelle il s'est adressé à l'opinion publique, est une célébration de la fin de la collecte des données. Les journalistes peuvent témoigner que la préparation puis le déroulement du recensement ont été une charge mentale forte pour lui. La fin des opérations l'a libéré de ce stress- et cela se ressentait ce jeudi.

D'ailleurs, tous les collaborateurs étaient payés soit jeudi soit vendredi.

Ce qu’il faut retenir

Le résultat final sera une plateforme électronique unique avec les données géographiques, humaines et économiques. Ce recensement a été un tournant technologique et méthodologique. Par exemple, toutes les unités économiques ont été géolocalisées.

Le RGPH 2024 fournira les résultats détaillés concernant la population légale et ses caractéristiques démographiques et socio-économiques. Cette structure démographique ainsi définie servira de base à toutes les enquêtes socio-économiques et démographiques pendant les dix prochaines années.

Le gouvernement, les partis politiques, la société civile, les académiciens y puiseront les données utiles à leurs planifications, programmes ou recherches.

Prochain recensement: 2034.