Vers le durcissement des sanctions à l'encontre des lotisseurs concluant des contrats de réservation
C'est l'une des modifications qui seront apportées à la loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes d'habitations et morcellements. Un projet de loi modifiant et complétant ce texte, datant des années 1990, sera examiné en Conseil de gouvernement ce jeudi 14 novembre. Détails.

Vers le durcissement des sanctions à l'encontre des lotisseurs concluant des contrats de réservation
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Basma Khirchi
Le 12 novembre 2024 à 18h23
Modifié 12 novembre 2024 à 19h04C'est l'une des modifications qui seront apportées à la loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes d'habitations et morcellements. Un projet de loi modifiant et complétant ce texte, datant des années 1990, sera examiné en Conseil de gouvernement ce jeudi 14 novembre. Détails.
Les nombreuses contraintes et difficultés découlant de certaines dispositions de la loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes d'habitations et morcellements ont conduit à la révision de ce texte adopté depuis 1992.
Ces contraintes ont conduit à une divergence de compréhension de cette loi entre les gestionnaires locaux d’une part, et les lotisseurs d’autre part, en plus de l’apparition de lacunes et de failles qui rendent la loi en question insuffisante pour trouver des solutions aux problèmes soulevés, lit-on dans la note de présentation du projet de loi n° 34.21 modifiant et complétant la loi n° 25.90, qui sera examiné ce jeudi 14 novembre en Conseil de gouvernement.
Les limites de la loi n° 25.90
L’insuffisance du délai alloué pour réaliser l’ensemble des travaux d’équipement, qui est actuellement de 3 ans, à compter de la date de délivrance de l’autorisation de création du lotissement, est la première limite de ce texte toujours en vigueur.
Ce dernier ne prend pas non plus en compte les situations d’interruption imprévue des travaux d’équipement, qui échappent à la volonté du lotisseur, mais qui sont néanmoins comptabilisées dans le délai légal, entraînant ainsi des difficultés pour le lotisseur.
Il existe également une multiplicité de contraintes relatives à la réception provisoire des travaux d’équipement, étant donné que la loi actuelle ne précise pas la date de déclaration de l’achèvement des travaux, ni l’autorité compétente pour convoquer la commission de réception provisoire des travaux.
Autre limite : l’absence de garanties en faveur de la commune pour préserver son droit d’intervenir ultérieurement afin de réparer les défauts qui pourraient survenir dans l’année suivant la réception provisoire des travaux d’équipement. Citons également l'absence de mécanismes obligeant le lotisseur à effectuer la réception définitive des travaux d’équipement. En effet, la réalité montre que pour plusieurs parcelles de lotissements, la réception définitive des travaux n’a pas été effectuée, ce qui empêche de vérifier que les routes et les différents réseaux sont exempts de défauts.
En outre, le texte actuel ne précise pas suffisamment les conditions requises pour la réorganisation des lotissements illégaux. Il manque également des dispositions concernant les lotissements où les travaux sont réalisés de manière progressive, malgré l’importance de cette approche pour intervenir de manière urgente dans les cas sociaux (logement pour les victimes de catastrophes naturelles, pour les catégories à faibles revenus...).
Il existe aussi des contraintes liées aux demandes de morcellement de propriétés situées dans des zones couvertes par un document d'urbanisme destiné à abriter des équipements et des infrastructures publiques. En outre, des anomalies sont liées à la délivrance des certificats administratifs dans le but de diviser des propriétés de manière illégale.
Le paysage urbain de certaines grandes villes est défiguré en raison de la présence d'un nombre non négligeable de lotissements qui n’ont pas vu leurs travaux achevés dans les délais impartis, ce qui fait que ces zones urbaines deviennent des chantiers ouverts pendant de longues années. Cela a des conséquences négatives, telles que la création de tissus urbains fragmentés qui n’ont pas de fonction urbaine, et l'augmentation du coût d'intervention ultérieure pour traiter ces impacts et limiter leurs effets négatifs.
Les amendements prévus
Afin de surmonter les contraintes mentionnées ci-dessus et de résoudre les problèmes qui en découlent, le projet de loi n° 34.21 introduit des nouveautés dont l’objectif est de fournir des solutions juridiques aux problèmes constatés, notamment concernant le délai d'autorisation de création de lotissement, la réception provisoire et définitive des travaux d’équipement, ainsi que le morcellement foncier et d'autres problèmes connexes. Il inclut aussi de nouvelles dispositions légales pour combler le vide juridique concernant la réorganisation des lotissements illégaux et ceux où les travaux sont réalisés progressivement.
Parmi les principaux amendements apportés figure la fixation d’un nouveau délai pour l’autorisation de création d’un lotissement, qui serait de 5 ans au lieu des 3 ans prévus par la législation en vigueur. Il sera désormais possible de suspendre le délai d’autorisation de lotissement en cas d’arrêt imprévu des travaux d’équipement, dû à des circonstances indépendantes de la volonté du lotisseur.
Il a été décidé également l’établissement d’une procédure précise pour l’étude des demandes de suspension du délai d’autorisation de lotissement, en cas d’arrêt imprévu des travaux d’équipement, par une commission composée de représentants de l’agence urbaine, de la province ou du district, et de la commune concernée, avec la possibilité de faire appel, si nécessaire, aux organismes chargés de la gestion des différents réseaux, ainsi qu’à toute entité dont la présence serait jugée nécessaire et bénéfique.
Citons aussi l'affinement de la procédure permettant d’affecter les routes de lotissement, les réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité, ainsi que les espaces non bâtis et plantés, aux biens publics de la commune concernée, en prévoyant l’obligation de signer un procès-verbal d’affectation par le lotisseur et le président du conseil de la commune concernée, dès la réception provisoire des travaux d’équipement.
Le nouveau texte prévoit également d’enregistrer l’opération d’affectation au nom de la commune dans le registre foncier original du terrain concerné par le lotissement, sur la base du procès-verbal de réception provisoire et du procès-verbal d’affectation, et de procéder à cet enregistrement gratuitement à la demande du président du conseil de la commune.
Quant à la gestion des contraintes résultant des défauts qui pourraient apparaître dans le lotissement foncier dans l’année suivant la réception provisoire des travaux d’équipement, le lotisseur sera obligé de fournir une garantie financière dont le pourcentage sera défini par un texte réglementaire. Cette garantie servirait à couvrir les frais d’intervention de la commune pour réparer ces défauts en cas de négligence du lotisseur.
Le lotisseur pourra récupérer le montant de la garantie déposée sur le compte de la commune après la réception définitive des travaux et la remise d’un certificat attestant que les routes et les différents réseaux sont en bon état.
Le projet de loi prévoit également une modification importante des règles concernant le morcellement foncier, en précisant les cas d’exemption pour l’obtention de l’autorisation de division, comme par exemple l’extraction de terrains destinés à être cédés à l’État ou aux collectivités locales pour la réalisation d’équipements et d’infrastructures publics.
Des dispositions en cas de recours judiciaire pour demander le partage d’un bien immobilier, ainsi que la création d’une commission technique composée de représentants de la commune, de la province ou du district, et de l’agence urbaine pour l’étude des demandes de délivrance de certificats administratifs par le président du conseil communal, conformément aux articles 35 et 61 de la loi n° 25.90, attestant que la cession, la location ou le partage, selon le cas, ne relève pas du champ d’application de ladite loi, sont également prévues.
Le champ des actes juridiques transférant la propriété foncière sera étendu en incluant non seulement la vente, mais aussi les contrats de donation, d’hypothèque, de charité... De nouvelles dispositions concernant les lotissements où les travaux d’équipement sont réalisés progressivement seront introduites, notamment lorsque les opérations sont menées par l’État, les collectivités locales ou des institutions et entreprises publiques, dans des situations urgentes, comme le relogement des victimes de catastrophes naturelles, la lutte contre le logement insalubre ou le relogement des catégories sociales à faibles revenus.
Le projet de loi se penche par ailleurs sur l'affinement des conditions et modalités de réorganisation des lotissements illégaux. Les projets de lotissements qui ont déjà fait l’objet d’une autorisation, et dont les délais légaux sont en cours à l’entrée en vigueur du présent projet de loi, bénéficieront du délai restant pour les adapter au nouveau délai de 5 ans.
Le projet de loi prévoit également l'ouverture de la possibilité, pour les projets de lotissements dont l’autorisation a expiré, de bénéficier de manière exceptionnelle d’un délai supplémentaire fixé par une commission technique composée de représentants de l’agence urbaine, de la province ou du district, de la commune concernée, ainsi que des représentants des organismes responsables de la gestion des différents réseaux, afin de compléter les travaux d’équipement prévus dans le projet de lotissement. Le pourcentage des travaux réalisés doit dépasser 50%.
Des amendements insuffisants selon Me Mohamed Lazrak
La principale modification apportée par le nouveau projet de loi est le durcissement des sanctions à l'encontre des lotisseurs concluant des contrats de réservation, explique à Médias24, Mohamed Lazrak, notaire à Rabat et ancien secrétaire général du Conseil national de l'ordre des notaires du Maroc. Une disposition qui a ses avantages comme de s'atteler aux lotisseurs qui réservent des lotissements fictifs, permettant d'éviter qu'une affaire comme celle de Bab Darna ne se reproduise. Des projets immobiliers "fictifs" avaient en effet été commercialisés par le groupe Bab Darna ces deux dernières années.
Mais cet amendement demeure insuffisant, nuance Me Mohamed Lazrak, qui est plutôt favorable à l'idée de réglementer les réservations de lotissements en cours de réalisation – pratique très courante sur le terrain – au lieu de les interdire.
"Avec ce nouveau projet de loi, nous passerons de sanctions pécuniaires à des sanctions pénales, notamment une peine d'emprisonnement d'un an à 5 ans. Or, les lotisseurs procèdent, au fur et à mesure de la réalisation des lotissements, à la conclusion de contrats de réservation au profit des futurs acquéreurs. Il s'agit désormais, en vertu du nouveau projet de loi, d'une infraction pénale".
En effet, est puni, selon l'article 68 du nouveau projet de loi, quiconque a effectué une vente, une location, un partage ou une offre de vente ou de location de lotissements en cours de réalisation. L'article 72 du même texte prévoit la révocation absolue des actes de vente, de location ou de partage passés en infraction aux dispositions de la présente loi.
"Il s'agit d'une bonne initiative, mais elle ne prend pas en considération la difficulté de financement des lotissements. Les prêts bancaires ne permettent aux lotisseurs de couvrir que 70% de leur besoin de financement. Hormis les deniers personnels, les lotisseurs misent en effet sur les avances à hauteur de 10% à 15%, déboursées par les futurs acquéreurs, moyennant les contrats de réservation de lotissement", précise le notaire.
"Nous resterons dans l'anarchie puisque même avec la loi actuelle qui, elle, prévoit des sanctions pécuniaires pour ce type de contrat (amende de 100.000 DH à 1 MDH), la réservation de lotissement demeure une pratique courante sur le terrain. 99% des lotisseurs s'adonneraient à cette pratique", estime notre interlocuteur.
"Certes, cette disposition permettra de punir les contrevenants qui font des lotissements sur des appartements à l'épargne ou qui réservent des lotissements fictifs, pour éviter que des affaires comme celle de Bab Darna ne se reproduisent. Mais elle ne devrait pas être généralisée à tous les opérateurs. À mon avis, il serait judicieux de plutôt réglementer les réservations de lotissements en cours de réalisation au lieu de les interdire. On peut par exemple limiter le montant de l'avance, exiger une garantie bancaire ou bien accorder des hypothèques au profit des futurs acquéreurs de lotissements", conclut notre interlocuteur.
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